La correspondance

  Animation

La correspondance est une pratique connue et initiée au siècle dans les classes élémentaires par Freinet. Mais la correspondance peut être aussi une pratique dans les formations professionnelles : BPJEPS et CPJEPS.

ACTUALITÉ DES BPJEPS À SAINT-NAZAIRE

Des promos BPJEPS se croisent à Saint-Nazaire et se rencontrent peu… Et pourtant, le BPJEPS LTP [1] a commencé la formation en même temps que le groupe BPJEPS EEDD [2] . Et nous avons joué un soir en ville lors de cette première semaine commune ! Il n’en fallait pas plus pour avoir envie de poursuivre les conversations entamées ce soir-là... mais à travers une correspondance.

Le rituel du lundi matin s’est donc instauré depuis la première lettre que nous avons reçue (elle était sous forme d’une grande affiche colorée avec des collages). On décortique avec nos yeux ce que les stagiaires de l’autre groupe nous ont concocté pour continuer à se connaître les uns les autres.
Le désir de produire la correspondance est aussi fort que celui de la recevoir : chaque lundi, après avoir pris connaissance de ce que l’autre groupe nous a offert, des idées fusent dans tous les sens, que pourrions-nous alors créer et laisser à l’autre groupe ?

Nous sommes à la quatrième semaine de formation et nous avons échangé sur nos contenus de formation, nos photos d’enfance, nos bonnes et fausses bonnes résolutions pour la prochaine année, nos cartographies de structures de stage. Nous avons également reçu une mouette en céramique, un œuf sauvé par un parachute lors de son lancement de fusée à eau et nous lançons à nos correspondant.es un défi en chanson qu’ils et elles relèveront, on l’espère, pour ce début d’année 2022.
Cet outil bien connu de la pédagogie institutionnelle nous permet de solliciter différents moyens d’expression. Il rend la formation vivante par le partage des activités et des réflexions avec un autre groupe.
Cet outil précieux pour des animateurs et animatrices sollicite nos capacités à être en relation et notre envie de rencontrer les autres. Il mobilise notre imagination et notre besoin de faire, de créer et de partager. Il est un moyen de réfléchir à ce que l’on souhaite partager avec d’autres, sous quelle forme et au sens que l’on y met.

LE CPJEPS, LA CORRESPONDANCE ET LE JOURNAL

Comment une journée militante à La Distri [3] amène à l’idée d’un journal en formation ?
Nous accueillons un groupe CPJEPS à Nantes de novembre 2021 à fin septembre 2022. Le groupe est composé de 16 stagiaires, de 16 à 52 ans. Dans ce groupe, il y a des personnes « fragiles », « abîmées »par la vie mais aussi par l’école. Pour la plupart, ces personnes n’ont pas confiance en elles et notamment sur l’écriture.

En octobre, deux militantes des Ceméa ont animé une journée de pratique d’activité sur le journal, à La Distri. Danielle, enseignante toute jeune retraitée, nous a fait vivre la démarche qu’elle utilisait dans sa classe. Nous avons donc créer de petits textes à partir de jeux d’écriture et des illustrations. L’utilisation de divers matériaux et techniques d’impression et d’une imprimerie Freinet ont suscité de la curiosité et de l’envie. Puis nous avons imprimé le journal en vingt exemplaires avec la pression du temps qui file et l’objectif de finir dans la journée.

La journée avec Danielle a fait remonter de nombreux souvenirs : quand j’étais en primaire, j’étais dans une classe avec Alain, un instit militant Freinet, et nous faisions un journal. Et nous avions aussi des correspondant·es. Le journal était envoyé aux « corres » qui nous envoyaient aussi des lettres et leur journal. Cette correspondance donnait du sens à l’élaboration du journal puisque d’autres l’attendaient et l’arrivée du courrier des correspondant·es était toujours un événement dans la classe.

Le projet de journal dans le CPJEPS
Cette journée d’activité m’a fait réfléchir aux difficultés des stagiaires CPJEPS avec l’écriture. Pour moi, l’intérêt d’un journal c’est de faire un travail collectif et coopératif : les auteur·trices de textes sont responsables de leurs productions mais l’ensemble du groupe est responsable de ce qui est publié. Cela impose des phases de négociation sur ce qui sera publié, de correction des textes, de mise en page…

Dans cette réflexion sont vite arrivées les questions de « pourquoi et pour qui on écrit ? », comment on donne du sens à l’écriture.
Anne Sylvestre chante « Écrire pour ne pas mourir ». On peut écrire pour soi mais c’est difficile de s’y tenir ; on peut écrire parce qu’on y est contraint·e, c’est le cas avec les certifications, mais c’est difficile parce que s’ajoute les pressions de l’examen et de l’obtention du diplôme. Mais écrire est aussi une forme d’expression, un moyen d’exister, de laisser trace, d’être entendu. C’est une manière de prendre la parole.

L’enjeu, pour moi, c’est d’abord de prendre plaisir à l’écriture, puis c’est de se raconter. Se raconter parce que nos expériences, nos histoires de vie sont importantes et quand elles sont conscientisées elles disent beaucoup de ce que nous faisons là, de nos engagements, de nos choix de formation…
Et puis écrire, c’est souvent aussi apprendre à accepter d’être lu par d’autres, d’entendre les critiques.

Et puis dans un journal, il n’y a pas que de longs articles de fond : le journal est un outil grâce auquel chaque personne peut trouver sa place, à sa mesure, en fonction de ses capacités et de ses envies.

C’est qui « les corres » ?
L’équipe du CPJEPS de Nantes est en cours de discussion avec un collègue des Ceméa à Marseille pour que deux groupes se rencontrent par la correspondance. Les stagiaires du CPJEPS sont au courant de ces discussions et, cette semaine, cette attente de réponse se traduit par un enthousiasme débordant à sortir la publication N°1 du journal.

L’après-midi de mardi, des personnes ont écrit des histoires, des acrostiches, inventé des mots-croisés, fait de la linogravure, de la gravure sur tetra pack, du dessin, des cartes magiques. Nous nous sommes interrogés sur la pertinence ou pas de mettre des blagues dans le journal et donc sur comment des gens qu’on ne connaît pas allaient les recevoir. Nous avons réfléchi au format du journal, à comment nous allions l’imprimer, en combien d’exemplaires : « Il en faut un pour chacun·e d’entre nous mais je voudrais aussi en offrir un à ma tutrice ! », « On en envoie combien aux correspondants ? ». Il y a une émulation qui porte le groupe avec une question principale qui revient plusieurs fois dans l’après-midi « Est-ce qu’ils vont nous répondre ? ». Nous avons fini par nous dire que si notre journal est chouette, cela pourrait leur donner envie d’en faire un aussi ou au moins de nous envoyer une lettre.

À travers ce support, nous faisons le pari que si les personnes prennent plaisir à écrire pour le journal, à illustrer, elles vont pouvoir transférer les compétences et les capacités acquises à travers ce projet dans le travail pour les certifications mais aussi dans leur pratique d’animateur·trices.

Nous ne manquerons pas, quand nous aurons bouclé la première impression, de partager ce travail avec vous (nous avons prévu un exemplaire pour les gens qui passent au 102).